samedi 3 octobre 2015

Dix heures et les deux gars qui avaient peur de l'avion...

jour 8...

La chat descend de la fenêtre devant moi. Un peu plus loin un gars passe la tondeuse... Une Rotten Skull (un american IPA amère et un peu fumée qui est loin d'être du goût de tout le monde) est tranquillement posée à côté de moi.
Et là, la première chose qui me vient à l'esprit c'est d'être sur la scène de San Carlo et de chanter.
Ah quand même...
Une journée un peu bizarre quand tu reviens.
Le matin, tu te lèves, tu te casses les dents sur les horaires de la basilique qui est toujours fermée à neuf heures, tu balades jusqu'à l'ancien cimetière que tu voulais voir depuis le début du séjour mais qui est fermé jusqu'à dix heures. Des rues plus tranquilles, avec moins de circulation, en bout de course des principaux carrefours et là, un mamma te diit «  a la diei » avec les deux mains ouvertes. A dix heures... Tu n'échappes à personne dans le quartier de Sanita et de Fontenelle. A personne. Tout le monde se connaît, se parle et remarque bien les quelques très rares touristes qui viennent dans le coin.
Bon, tu repars alors en pensant que le soir même, finalement, tu pourrais être chez toi.
Adios Naples, sa vue, ses gens, sa gouaille et son bordel vrombissant.
Métro, achat de chausson à la crème, bus, et te voilà à glander une bonne heure ou deux à l'aéroport parce que t'es prévoyant.
Vient ensuite l'avion. Tu te retrouves à côté d'un grand gars de deux mètres, infirmier sur Niort. Un grand gaillard qui a encore plus peur de l'avion que toi. Alors quoi ?
Eh ben tu lui causes. Ben oui.
Tu apprends que sa mère est morte récemment, qu'il est à moitié italien et qu'il revient deux fois l'an pour voir la famille et découvrir des coins d'Italie.
Tu partages avec lui des impressions, des souvenirs, des anecdotes, tu rigoles beaucoup et ainsi tu fais passer ton angoisse de l'avion.
Puis vient le retour. Pain au chocolat chez Paul à Orly en attendant qu'on vienne te chercher. Bon, cette merde. Même pour une chaîne.
Tu apprends que tu pourrais aller à la fête médiévale de Brie-Comte-Robert le soir-même. Mais ta femme est fatiguée. Alors quoi ? Tu balades ton chien que tu as retrouvé et tu te retrouves là, devant cette fenêtre à repenser à cette mamma qui veut t'aider « a la diei » et à cet infirmier qui a tout pour devenir un putain de pote mais dont tu n'as pas demandé le numéro ou le mail, parce que tu sais que ça ne se fait pas forcément de garder contact avec les gens.
Tu ressors quand même de l'avion avec deux films absolument à voir : La Pelle (avec Mastroïani) et « Au nom du père », le film préféré de ta femme, que tu n'as jamais, jamais, vu.
Et tu entends quelque chose, comme un chant de l'intérieur qui pourrait vibrer à l'unisson avec tous ces visages de tous les pays aperçus à l'aéroport ou avec toutes ces personnes à leurs fenêtres ou leurs portes dans les quartiers populaires napoliitains.
Tu gardes une gorgée de bière dans ta bouche. L'amertume qui vient après l'extrême parfum du houblon. Tu repenses à cet allemand avec qui tu as bu un expresso a l'aéroport et qui était bien content de trouver quelqu'un qui buvait l'expresso comme lui : c'est-à-dire sans sucre.
Sans sucre, dans le Sud, c'est pas coutume.
Dans le Nord je sais pas.
Le sucré et l'âcre ou l'amer du café mélangé.
Tu repenses aussi à la discussion sur les vins que tu as eue avec un oncle de la famille de ta femme... Le goût. Le goût des choses vraies et pures. La bière qui sait se faire habiller par le houblon, le vin qui ne serait que d'un seul cépage, le whisky que s'est servi l'oncle, toujours pur.

Pur comme ce qu'il faudrait toujours trouver en soi, dans cet écho, cette lumière de l'intérieur, cette vibration qu'on aurait envie de partager.
La voie et la voix. Deux choses que tu voudrais pures aussi.
La voie (de la tradition et des choses vraies), la voix qui vibre à l'unisson avec tous les visages, la mamma ou le mec dans l'avion... Oui, ça pourrait le voyage...
Un chat, deux chats sont montés à la fenêtre entre temps et repartis.
Le chien couine en bas pour que tu le rejoignes...
Tu te dis que ça n'aurait pas été mal la fête médiévale ce soir, mais que tu en profiteras encore mieux demain...
Les ombres gagneront bientôt plus le ciel...
A quelques kilomètres de là où tu te trouves la ville s'illuminera bientôt.
Tu respires.
Une nouvelle gorgée de bière.
Quelqu'un chante pour toi sur la scène du théâtre de San Carlo (qui donne Giselle, ce soir).
Tu ne lui donnes pas de visage à ce quelqu'un.
Pas besoin.
Il est en toi.
Il est en tout le monde.
Peut-être même qu'on l'appelle esprit de l'aventure...
Non ?

Tu ne crois pas ?

Ah si. Je te colle la page du jour, cong...

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