Le corbeau...
Le voyage, c'est les paysages et les
rencontres.
La détente aussi. Mais avant tout les
paysages et les rencontres. Le voyage, les vacances, c'est
normalement synonyme de détente de toutes les manières. Bon, bien
sûr il peut y avoir les embouteillages, les accidents de train comme
la série qu'il y a eu en juillet.
Mais le voyage, c'est l'occasion de
pouvoir rencontrer ces superbes panoramas ou ces incroyables
ambiances que tu n'as pas chez toi. C'est aussi les êtres vivants
qui t'émeuvent.
Je commence sans doute cette page plus
tôt que d'habitude, la dernière mousse de la Black Isle brewery
servie dans un verre.
Je pourrais être envahi par la
nostalgie de toutes ces images mais je suis plutôt possédé et
empreint par l'idée que je reviendrai pour voir ce que je n'ai pas
vu et apprécier encore ce que j'ai déjà aimé.
Nous n'avons pas fait grand-chose
aujourd'hui, veille de départ. Un mauvais temps était prévu et il
est venu en fin de matinée... Nous nous sommes contentés de faire
la balade vers le phare (en poussant plus loin), de manger tranquille
à la maison avec sieste et de balader dans la ville avant de pousser
vers l'Aros Park et de faire le tour de l'étang.
Je tenais aussi à trouver un trèfle à
quatre feuilles, sur la jetée, au même endroit que l'année
dernière, chose faite. Ma femme a pu voir cinq chats aujourd'hui
dont le fameux Tobermory Cat qui avait chassé un rat et qui la
bâfrait sous une voiture.
Je me suis tâté à acheter le
Tobermory 15 ans d'âge ou le 16 ans en vitrine chez le quincaillier
biclassé vendeur de whisky, puis j'ai résolu de prendre une
bouteille de Tobermory pour le soigneur qui m'a aidé à supporter
mes vacances au niveau du cou et des reins et non, la boutique s'est
fermée pile au moment où j'allais rentrer dedans.
Peu importe. Je proposerai une petite
séance de dégustation au brave homme et nous verrons ensuite ce
qu'il préfère pour l'achat d'une bouteille...
Il fait soleil. Et nuages. Il a fait
pluie et soleil aussi. On a eu l’Écosse aujourd'hui.
Celle dont on a l'habitude et dont on
ne peut pas se plaindre.
Mais voilà...
La rencontre.
Ce matin en me dirigeant vers le phare,
sur le chemin côtier mangé par les noisetiers et les fougères,
j'aperçois un mouvement dans l'eau. Une loutre ? Deux phoques ?
Deux oiseaux marins ? Un long mouvement pénible et saccadé
pour se diriger vers les pierres du rivage.
Nous approchons et nous voyons un
corbeau dans l'eau, nageant péniblement, à bout...
Il s'échoue à quelques centimètres
des rochers. Vivant, épuisé.
C'est la première fois que je tenais
un corbeau dans mes mains. J'ai saisi la bête empreint d'une vérité
et d'une émotion incroyable qui faisait écho à toute la quête
intérieure que j'ai menée ces précédentes semaines (voire toutes
ces années)...
Le corbeau, sortant de l'eau, le
symbole d'Odin, les symboles qui apparaissent si souvent dans mes
rêves, l'écho à une lutte intérieure, la révélation d'un signe.
J'étais le corbeau en le prenant. J'étais les symboles que je
décryptais.
J'ai laissé le corbeau hors de portée
de la marée avant de continuer à balader avec ma femme et sur le
retour, je me suis à nouveau approché de lui.
La question s'est posée dans ma
tête... L'achever s'il souffrait trop ou respecter la lutte
incroyable et acharnée de cet animal pour sortir de l'eau.
J'ai imposé mes mains, celle qui
soigne et celle qui bénit. Je l'ai même touché. Je n'ai regardé
qu'un des yeux du corbeau. Un seul. Mais j'ai su qu'il était pour
moi le signe de ce que j'attendais.
Chaque vacance, je me découvre un
nouveau totem. Ours, Aigle, Truite, Cheval, Chien, Chat, Tortue et
maintenant Corbeau.
Mais il n'y en a pas eu de plus
important que celui là...
Il bouclait une longue route.
Il ouvrait la voie vers l'acceptation
d'une certaine foi.
Je ne crois pas comme les shamans
d'antan le faisaient. Mais d'un certain point de vue, je comprends
pourquoi ils faisaient ainsi. Baigné par le contact avec le corbeau,
avant de retourner le voir, j'ai regardé les rochers sous mes pieds
et chacun pouvait avoir un esprit, un dessin représentant quelque
chose.
Il n'est pas idiot de considérer que
toute chose est vivante, même la pierre. Au niveau quantique, nous
ne sommes en rien différent.
Nous sommes tous issus de la même
source. Et le filtre par lequel on peut voir les autres choses de
l'univers est certainement ce qui peut différencier le mystique ou
l'artiste de celui qui ne prend pas le temps de regarder certaines
choses.
Je résiste à l'envie de refaire le
chemin pour voir si le corbeau s'en est sorti.
Je résiste. Je suis le corbeau.
Dans ma tête, nous avons fait ce que
nous avions de plus importants de toutes les manières. Et il m'a
donné ce dont j'avais besoin.
Je garde l'image de cette lutte pour
sortir de l'eau. J'ai étrangement tiré une rune après cet
événement et c'est Laguz (l'eau, vaincre les obstacles, un
processus qui accélère les mouvements déjà en action)qui est
sorti pour le corbeau et Sowilo (l'illumination, la clarté, la joie)
pour moi.
La synchronicité de la lecture des
runes devrait me conforter dans la décision de changer de vie.
Croa croa...
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