jour
8...
La
chat descend de la fenêtre devant moi. Un peu plus loin un gars
passe la tondeuse... Une Rotten Skull (un american IPA amère et un
peu fumée qui est loin d'être du goût de tout le monde) est
tranquillement posée à côté de moi.
Et
là, la première chose qui me vient à l'esprit c'est d'être sur la
scène de San Carlo et de chanter.
Ah
quand même...
Une
journée un peu bizarre quand tu reviens.
Le
matin, tu te lèves, tu te casses les dents sur les horaires de la
basilique qui est toujours fermée à neuf heures, tu balades jusqu'à
l'ancien cimetière que tu voulais voir depuis le début du séjour
mais qui est fermé jusqu'à dix heures. Des rues plus tranquilles,
avec moins de circulation, en bout de course des principaux
carrefours et là, un mamma te diit « a la diei » avec
les deux mains ouvertes. A dix heures... Tu n'échappes à personne
dans le quartier de Sanita et de Fontenelle. A personne. Tout le
monde se connaît, se parle et remarque bien les quelques très rares
touristes qui viennent dans le coin.
Bon,
tu repars alors en pensant que le soir même, finalement, tu pourrais
être chez toi.
Adios
Naples, sa vue, ses gens, sa gouaille et son bordel vrombissant.
Métro,
achat de chausson à la crème, bus, et te voilà à glander une
bonne heure ou deux à l'aéroport parce que t'es prévoyant.
Vient
ensuite l'avion. Tu te retrouves à côté d'un grand gars de deux
mètres, infirmier sur Niort. Un grand gaillard qui a encore plus
peur de l'avion que toi. Alors quoi ?
Eh
ben tu lui causes. Ben oui.
Tu
apprends que sa mère est morte récemment, qu'il est à moitié
italien et qu'il revient deux fois l'an pour voir la famille et
découvrir des coins d'Italie.
Tu
partages avec lui des impressions, des souvenirs, des anecdotes, tu
rigoles beaucoup et ainsi tu fais passer ton angoisse de l'avion.
Puis
vient le retour. Pain au chocolat chez Paul à Orly en attendant
qu'on vienne te chercher. Bon, cette merde. Même pour une chaîne.
Tu
apprends que tu pourrais aller à la fête médiévale de
Brie-Comte-Robert le soir-même. Mais ta femme est fatiguée. Alors
quoi ? Tu balades ton chien que tu as retrouvé et tu te
retrouves là, devant cette fenêtre à repenser à cette mamma qui
veut t'aider « a la diei » et à cet infirmier qui a tout
pour devenir un putain de pote mais dont tu n'as pas demandé le
numéro ou le mail, parce que tu sais que ça ne se fait pas
forcément de garder contact avec les gens.
Tu
ressors quand même de l'avion avec deux films absolument à voir :
La Pelle (avec Mastroïani) et « Au nom du père », le
film préféré de ta femme, que tu n'as jamais, jamais, vu.
Et
tu entends quelque chose, comme un chant de l'intérieur qui pourrait
vibrer à l'unisson avec tous ces visages de tous les pays aperçus à
l'aéroport ou avec toutes ces personnes à leurs fenêtres ou leurs
portes dans les quartiers populaires napoliitains.
Tu
gardes une gorgée de bière dans ta bouche. L'amertume qui vient
après l'extrême parfum du houblon. Tu repenses à cet allemand avec
qui tu as bu un expresso a l'aéroport et qui était bien content de
trouver quelqu'un qui buvait l'expresso comme lui : c'est-à-dire
sans sucre.
Sans
sucre, dans le Sud, c'est pas coutume.
Dans
le Nord je sais pas.
Le
sucré et l'âcre ou l'amer du café mélangé.
Tu
repenses aussi à la discussion sur les vins que tu as eue avec un
oncle de la famille de ta femme... Le goût. Le goût des choses
vraies et pures. La bière qui sait se faire habiller par le houblon,
le vin qui ne serait que d'un seul cépage, le whisky que s'est servi
l'oncle, toujours pur.
Pur
comme ce qu'il faudrait toujours trouver en soi, dans cet écho,
cette lumière de l'intérieur, cette vibration qu'on aurait envie de
partager.
La
voie et la voix. Deux choses que tu voudrais pures aussi.
La
voie (de la tradition et des choses vraies), la voix qui vibre à
l'unisson avec tous les visages, la mamma ou le mec dans l'avion...
Oui, ça pourrait le voyage...
Un
chat, deux chats sont montés à la fenêtre entre temps et repartis.
Le
chien couine en bas pour que tu le rejoignes...
Tu
te dis que ça n'aurait pas été mal la fête médiévale ce soir,
mais que tu en profiteras encore mieux demain...
Les
ombres gagneront bientôt plus le ciel...
A
quelques kilomètres de là où tu te trouves la ville s'illuminera
bientôt.
Tu
respires.
Une
nouvelle gorgée de bière.
Quelqu'un
chante pour toi sur la scène du théâtre de San Carlo (qui donne
Giselle, ce soir).
Tu
ne lui donnes pas de visage à ce quelqu'un.
Pas
besoin.
Il
est en toi.
Il
est en tout le monde.
Peut-être
même qu'on l'appelle esprit de l'aventure...
Non ?
Tu
ne crois pas ?
Ah si. Je te colle la page du jour, cong...
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