Jour
15...
Et
lorsque la nuit se meurt, sur le rivage baigné par les étoiles, que
le souffle du vent me ramène aux souvenirs plus anciens que ma
mémoire, à ces autres vies passées qui ont contemplé les mêmes
dunes, bancs de sable, rochers et forêts verdoyantes, les rêves,
soudain, s'estompent pour se mélanger à ces objets pensées
flottant comme des nuages... Je deviens les autres vies...
Dylan
Thomas, enterré à Laugharn, a baigné notre journée. Nous avons
passé presque toute celle-ci dans le village qu'il adorait tant à
faire la promenade (et plus encore) qui a servi d'inspiration à un
poème écrit pour ses trente ans... Nous avons même mangé deux
fois (un scone avec un truc de dingue : la clotted cream, une
crème à 60 % de matières grasses) au dylanthomasboathouse (je mets
tout en un mot) et je vais devoir nécessairement faire des
recherches sur l'auteur, obligé, car il a eu une vie mouvementée,
certes courte, mais flamboyante...
Je
pense honnêtement que cette matinée fut ma meilleure marche et
découverte du Pays de Galles, j'ai pu goûter quatre des spécialités
galloises avec mes deux commandes, la curiosité culinaire est
satisfaite.
Je
retiens en particulier deux ou trois choses de ce village : le
fait d'y passer du temps et de faire les balades conseillées pour
voir la marée descendre et révéler les incroyables bancs de sable,
Dylan (bien sûr) et la tombe de Dylan (toute simple, juste une croix
blanche sans pierre tombale). On est tombés, d'ailleurs sur deux
enterrements aujourd'hui : un en visitant le cimetière de
Laugharn et un autre avec des gens fêtant au pub le défunt, à deux
cents mètres à peine de l'endroit où on loge à Swansea...
Je
dirais presque trois enterrements d'ailleurs, parce que je n'ai pas
pu m'empêcher d'être ému par la disparition trop tôt de Dylan
Thomas au hasard des panneaux indicateurs, des boutiques ou de la
balade... Je ne sais d'ailleurs pas toujours exactement comment il
est mort. Je sais où et que c'était une maladie soudaine et qu'il
était alcoolique. Mais les poèmes que j'ai lus de lui m'ont fait
penser que c'est le genre de trucs que j'aurais aimé écrire si
j'avais fait de la poésie.
C'est
en plus totalement un hasard qu'on se soit finalement rendus dans
cette ville. Après avoir salué notre propriétaire ce matin, on
avait rien décidé sur la carte, tout s'est fait dans la voiture et
avec l'aide vague du guide du routard qui date de 2009.
Amertume,
je dessine un nom sur le chenal de sable, je pleure en regardant les
ajoncs tristes mourir après avoir été arrachés par les pieds
fâcheux d'un touriste qui ne pensait qu'à regarder l'horizon... Un
oiseau s'envole, un cri s'égare dans la brise, je ne sais pas de
quelle espèce il est, tout comme j'ignore le nom de l'arbre qui se
tient derrière moi...
Nous
sommes silence devant ce que nous ne savons pas, nous sommes des
ombres qui ne nommons pas, ni la pierre, ni la feuille, ni l'oiseau,
ni la forme des nuages...
Larme
égare-toi sur la rivière de la mémoire, pense à celui qui fut un
phare qui te donne envie de te transformer en phalène...
Je
sais... C'est bizarre de parler comme ça ?
Là,
dans cette cuisine, d'un quartier de Swansea, après avoir longuement
discuté avec la propriétaire des lieux qui est française,
enseignante en technologie des matériaux, fan de de Trône de Fer,
folle de la culture anglaise et résolue au choix qu'elle a fait de
quitter la France depuis dix ans parce que le caractère des gens ici
est apparemment infiniment plus aimable que le caractère de nombre
de gens en France, je pense au bonhomme avec qui j'ai discuté dans
le pub d'à côté, au type un peu saoul qui faisait de « l'air
lancer de fléchettes » (toujours dans le même pub) et à tous
ces gens qui se marraient après avoir enterré un proche.
Je
ne me suis pas marré avec des proches à l'occasion de la mort de
mon père. Je ne connais pas assez de gens.
Mais
je peux analyser des conversations que j'ai eues qu'il y a des
personnes qui comptent. Je ne vais pas les renommer.
Mais
si jamais Eric tu me lis ou Jenny (ah merde, j'en ai nommé deux),
sachez que vous êtes des raisons pour que je reste à un endroit ou
que je m'y déplace à nouveau.
Cécile,
qui nous accueille, m'a fait penser que si j'avais le niveau d'argent
suffisant, je serais certainement un résident de Londres pour
profiter de l'anglais et pouvoir exprimer mon art en français dans
la communauté de 500 000 français qui vivent dans la capitale et sa
conurbation...
Ma
blessure est comme la peau d'une orange dont le cœur serait la plus
douce des roses et dont l'odeur serait celle du jasmin.
Pas
de regrets.
Prends-le
chemin de l'âme, mon enfant...
Dans
le miroir, je me vois, je n'ai pas sept ans.
Que
donnerais-je pour revenir sur mes pas et changer tout ce qu'il
faudrait changer ?
Pas
de regrets. Il n'y a plus rien à changer à partir de maintenant.
Quoi ?
Tu
trouves bizarre quand je fais de l'écriture automatique ?
Eh.
C'est
la meilleure qui soit, non ?
Et
je m'en vais, sur le goût pas mauvais d'une India Dark Ale distinct
roasted malt hop notes of an IPA nommée Catchy-Pole de la
Pembrokshire craft brewery (ou Caffle)...
Hu ?
Non ?
Tu
veux savoir absolument ce que j'ai préféré en UN aujourd'hui ?
La
vue sur la baie depuis Laugharn, mon bon, et en second mettre ma main
sur la croix qui marque l'endroit où repose ce qui reste de ce brave
Dylan Thomas.
Oui,
ça fait deux.
Mais
tu savais de toutes les manières que je tricherais, pas vrai ?
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