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Deux textes en une semaine, c'est un peu schizo.
Mais on va y arriver, on va y arriver.
On va envoyer la banane.
On va envoyer la banane jeudi prochain.
Je copie colle l'extrait de l'Iliade que j'ai choisi pour essayer de le dire par coeur, une fois aux poètes, à la soupe aux choux...
Extrait du chant 22 de l'Iliade, donc.
Le grand Hector au casque étincelant
alors, le premier dit :
« Je ne veux plus te fuir, fils
de Pélée : c'est fini. Si j'ai fait trois fois en courant le
tour de la grand-ville de Priam au lieu d'oser attendre ton attaque,
cette fois en revanche mon cœur me pousse à t'affronter. Je
t'aurai, ou tu m'auras. Allons ! Prenons ici les Dieux pour
garants : ils seront les meilleurs témoins et gardiens de nos
accords. Je ne songe pas, pour ma part, à t'infliger de monstrueux
outrages, si Zeus m'octroie de tenir bon et de t'arracher la vie ;
mais, au contraire, quand je t'aurais pris tes armes illustres,
j'entends rendre ton corps, Achille, aux Achéens. Fais donc, toi, de
même. »
Achille aux pieds légers sur lui lève
un œil sombre et dit :
« Hector, ne viens pas, maudit,
me parler d'accords. Il n'est pas de pacte loyal entre les hommes et
les lions, pas plus que loups ni agneaux n'ont des coeurs faits pour
s'accorder ; sans relâche, au contraire, ils méditent le
malheur les uns des autres. Il ne nous est pas permis davantage de
nous aimer, toi et moi. Aucun pacte entre nous n'interviendra, avant
que l'un des deux n'ait, en succombant, rassasié de son sang Arès
l'endurant guerrier. Rappelle-toi donc toute ta vaillance :
c'est bien maintenant, si jamais, qu'il te faut être un combattant,
un guerrier intrépide. Il n'est plus pour toi de refuge : c'est
à l'instant même que Pallas Athéné te va dompter sous mon bras ;
et tu vas payer d'un seul coup tous les chagrins que j'ai sentis pour
ceux des miens qu'a tués ta pique furieuse. »
Il dit et, brandissant sa javeline, il
la lance en avant. Mais l'illustre Hector la voit venir et l'évite :
il a prévu le coup et s'est accroupi ; la pique de bronze
passe, dans son vol, au-dessus de lui et va se ficher dans le sol.
Pallas Athéné aussitôt la saisit et la rend à Achille, sans être
vue d'Hector, le pasteur d'hommes. Hector alors s'adresse au Péléide
sans reproche :
« Manqué ! Donc tu ne
savais nullement de Zeus, Achille pareil aux Dieux, l'heure de ma
mort. Tu le disais pourtant ! Mais tu n'es qu'un beau parleur,
un fourbe, et tu voulais que, pris de peur, j'oubliasse ma fougue et
ma valeur. Non, tu ne planteras pas ta pique au dos d'un fuyard :
je marche droit sur toi ; pousse-la-moi donc en pleine poitrine
si le Ciel te le permet. Et, pour l'instant, évite, toi, ma javeline
de bronze. Ah ! Si tu pouvais donc l'emporter, toute, dans ta
peau ! La guerre serait moins lourde aux Troyens, si tu étais
mort : pour eux, tu es le pire des fléaux. »
Il dit, et brandissant sa longue
javeline, il la lance en avant. Il atteint le Péléide au milieu de
son bouclier, sans faute. Mais la lance est rejetée bien loin de
l'écu, et Hector s'irrite de voir qu'un trait rapide est parti pour
rien de sa main. Il reste là, humilié ; il n'a plus de pique
de frêne. Il appelle d'un grand cri Déiphobe au bouclier blanc, il
demande une longue lance : et Déiphobe n'est plus à ses
côtés ! Hector en son cœur comprend, et il dit :
« Hélas : Point de doute,
les dieux m'appellent à la mort. Je croyais près de moi avoir le
héros Déiphobe. Mais il est dans nos murs : Pallas Athéné
m'a joué ! A cette heure, elle n'est plus loin, elle est là,
pour moi toute proche, la cruelle mort. Nul moyen de lui échapper.
C'était donc là depuis longtemps le bon plaisir de Zeus, ainsi que
de son fils, l'Archer, eux qui naguère me protégeaient si
volontiers ! Et voici maintenant le Destin qui me tient. Eh
bien ! Non, je n'entends pas mourir sans lutte ni gloire, ni
sans quelque haut fait, dont le récit parvienne aux hommes à
venir. »
Il dit, et il tire le glaive aigu
suspendu à son flanc, le glaive grand et fort ; puis, se
ramassant, il prend son élan, tel l'aigle de haut vol, qui s'en va
vers la plaine, à travers les nues ténébreuses, pour ravir un
tendre agneau ou un lièvre qui se terre ; tel s'élance Hector,
agitant son glaive aigu. Achille aussi bondit ; son cœur se
remplit d'une ardeur sauvage ; il couvre sa poitrine de son bel
écu ouvragé ; sur son front oscille son casque étincelant à
quatre bossettes où voltige la crinière d'or qu'Héphaestos a fait
tomber en masse autour du cimier. Comme l'étoile qui s'avance,
entourée des autres étoiles, au plein cœur de la nuit, comme
l'Etoile du soir, la plus belle qui ait sa place au firmament, ainsi
luit la pique acérée qu'Achille brandit dans sa droite, méditant
la perte du divin Hector et cherchant des yeux, sur sa belle chair,
où elle offrira le moins de résistance. Tout le reste de son corps
est protégé par ses armes de bronze, les belles armes dont il a
dépouillé le puissant Patrocle, après l'avoir tué. Un seul point
se laisse voir, celui où la clavicule sépare l'épaule du cou, de
la gorge. C'est là que la vie se laisse détruire au plus vite.
C'est là que le divin Achille pousse sa javeline contre Hector en
pleine ardeur. La pointe va tout droit à travers le cou délicat. La
lourde pique de bronze ne perce pas cependant la trachée : il
peut ainsi répondre et dire quelques mots. Et cependant qu'il
s'écroule dans la poussière, le divin Achille triomphe :
« Hector, tu croyais peut-être,
quand tu dépouillais Patrocle, qu'il ne t'en coûterait rien ;
mais tu n'avais cure de moi : j'étais si loin ! Pauvre
sot !... Mais, à l'écart, près des nefs creuses, un défenseur
– bien plus brave – était resté en arrière : moi, moi qui
viens de te rompre les genoux, et les chiens, les oiseaux te mettront
en pièces outrageusement, tandis qu'à lui les Achéens rendront les
honneurs funèbres. »
D'une voix défaillante, Hector au
casque étincelant répond :
« Je t'en supplie, par ta vie,
par tes genoux, par tes parents, ne laisse pas les chiens me dévorer
près des nefs achéennes ; accepte bronze et or à ta
suffisance ; accepte les présents que t'offriront mon père et
ma digne mère ; rends-leur mon corps à ramener chez moi, afin
que les Troyens et femmes des Troyens au mort que je serai donnent sa
part de feu. »
Achille aux pieds rapides vers lui
lève un œil sombre et dit :
« Non, chien, ne me supplie ni
par mes genoux ni par mes parents. Aussi vrai que je voudrais voir ma
colère et mon cœur m'induire à couper ton corps pour le dévorer
tout cru, après ce que tu m'as fait, nul n'écartera les chiens de
ta tête, quand même on m'amènerait, on me pèserait ici dix ou
vingt fois ta rançon, en m'en promettant davantage encore ;
non, quand bien même Priam le Dardanide ferait dans la balance
mettre ton pesant d'or ; non, quoi qu'on fasse, ta digne mère
ne te placera pas sur un lit funèbre, pour pleurer celui qu'elle a
mis au monde, et les chiens, les oiseaux te dévoreront tout
entier. »
Et Hector, mourant, Hector au casque
étincelant répond :
« Oui, oui, je n'ai qu'à te
voir pour te connaître ; je ne pouvais te persuader, un cœur
de fer est en toi. Prends garde seulement que je ne sois pour toi le
sujet du courroux céleste, le jour où Pâris et Phoebos Appolon,
tout brave que tu es, te donneront la mort devant les portes Scées. »
A peine a-t-il parlé : la mort,
qui tout achève, déjà l'enveloppe. Son âme quitte ses membres et
s'en va, en volant chez Hadès, pleurant sur son destin, abandonnant
la force et la jeunesse. Il est déjà mort quand le divin Achille
dit :
« Meurs : la mort, moi, je
la recevrai le jour où Zeus et les autres dieux immortels voudront
bien me la donner. »